Le colporteur passeur de montagne a de quoi nourrir les gens des vallées : d’histoires, de gibier, de livres ou tant d’autres marchandises toujours inavouables. Ainsi, l’ancêtre Ötzi a-t-il trouvé un disciple…
Une image suffit pour dire aux autres jours de la semaine le bonheur du dimanche écoulé : cette corde à linge, tendue d’un piquet à un autre à laquelle sont suspendus, onze, treize, quinze maillots. ! Tee-shirts et shorts alignés, tous de même couleur, flottant au vent… ensemble avec les rires, ultimes efforts et accolades qui virent-voltent dans les petites têtes brunes et blondes aux lendemains du match.
Les cordele tirent leur nom du même mode de suspension : sur un fil un peu ballant tiré entre deux branches malingres et tordues, une succession d’épingles à linge maintient suspendus autant de livrets rustiques. Quatre feuillets, huit pour les plus épais. Un bois gravé ou une “lino“ à l’encre bleue, verte ou rouge passé. Ainsi, poésies et pensées surgies du plaisir de confier à l’encre et au papier le dire qui prendra son envol… Car la pince à linge n’est jamais qu’une invitation à desserrer son étreinte.
“Vole au vent“, “suspend ton vol“, cerfs-volants éphémères comme l’inspiration qui les fit naître : les livrets précieux (ici les “ficelles“ des Éditions du Pas de l’Homme) atterriront dans un foyer. Inclassables sur une étagère, délaissées sur une table, déposées sur le chevet mais vite ensevelies comme le sont tant de petits objets accumulés dans un vide-poche, les ficelles de l’ami Philippe Lemonnier se font papillons voletant dans le soleil levant printanier à l’annonce de nos jours d’évasion.
Cette fois Ötzi (la Ficelle n°3), ancêtre dégagé de sa gangue de glace pour y retourner suivant la pure tradition millénaire —si âprement mystérieuse— de la “translation“ du corps des saints depuis le lieu de leur découverte à celui de leur vénération. Cette fois moins poétique, certes, dans quelque frigo de laboratoire scientifique ! À l’image de notre culture du savoir… cristallisée. Un mot à la mode, cher aux archéologues qui cristallisent une ruine afin de reporter à plus tard, beaucoup plus tard, la problématique de sa conservation. Car sans autre justification que culturelle ou “emotionnante“ (en espagnol : qui suscite l’émotion), le vestige est appelé à disparaître comme en sont menacés des vestiges-témoins (tels Ouradour-s/Glane ou Auschwitz) dont la nécessité de conservation dépasse la réflexion ordinaire.
Puisque la science rejette l’émotion, la poésie rend son hommage à notre frère humain Ötzi grâce à l’œuvre d’un colporteur de messages accrochés à une ficelle…

Imprimé en février 2021 à Die par les Éditions Le Pas de I’Homme
(Dépôt légal Hiver 2021 – ISBN 978-2-492044-04-5)
Éditeur Philippe Lemonnier, illustration Guillaume Rooster
Pour commander la Ficelle n°3 :
contact@lepasdelhomme.com
Prix TTC : 5 euros
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