Ferrières


Château de Ferrières

Dans les premiers contreforts des Cévennes qui prolongent l’Albigeois, un riche humaniste établit au XVIe siècle une “maison aux champs“ derrière des fortifications d’ambiance toute médiévale. Ainsi, malgré son utilisation comme Prison d’État au XVIIIsiècle, le château de Ferrières renferme-t-il quelques témoins surprenants de la Renaissance française dans une authenticité rare qui participe à son charme.

Entre rêve et réalité, notre maison

Au tout début du XIXe, deux évènements scellent le déroulement des décennies jusqu’à nos jours : 

  • Achetant en 1825 le dernier des lots que le Maire lui cédait —pour l’avoir lui-même acquis en soufflant la chandelle lors de la vente du Bien National qu’il dirigeait—, notre ancêtre direct était enfin propriétaire de l’ensemble de l’édifice. 
  • Quelques années plus tard, l’alliance de son fils avec une descendante d’une branche cadette des premiers possesseurs du château le conduisit à s’installer dans les vieux murs : des bâtiments exigeants par leur ampleur et un état précaire causé par leur abandon progressif depuis un demi-siècle. Leur restauration était la seule issue pour qu’y soient aménagés les appartements des générations suivantes dans des espaces hors normes, sous des charpentes impressionnantes.

Depuis deux siècles, nos existences sont donc étroitement dépendantes du sort de la maison : pour preuve, après avoir pris des nouvelles de la famille, parents et amis ne manquent jamais de demander « comment va Ferrières », attention permanente pour un bien auxquels nous nous identifions par essence plus que par choix.

Durant le XXe siècle se succédèrent trois campagnes de travaux 
  • avant la Grande Guerre, la réfection des façades (ainsi que la préservation de la cheminée monumentale que voulait acquérir un antiquaire d’outre-Atlantique) ; 
  • dans les années 30, la réhabilitation des salles du “piano nobile“ (premier étage) et les travaux de confortation des deux tours de l’enceinte orientale (alors que le château, inscrit comme Monuments Historiques depuis 1925, perdait la magnifique tour du colombier au profit d’une voie communale) ; 
  • enfin, durant les deux dernières décennies du siècle, le renforcement des voûtes des caves, la stabilisation du pignon occidental, celle de la façade sur le jardin puis la réfection de l’appartement médiéval au second étage.

Au cours de cette même période, le château abrita un foyer culturel associant expositions de gravures et photographies à des moments musicaux de belle renommée (cf. la “Maison du Luthier“). C’est aussi à cette époque qu’intervint, en 1988, son classement au titre des Monuments Historiques.

Les récentes restaurations

Voici une quinzaine d’année —tandis que l’entrée était lamentablement défigurée par la démolition d’une construction annexe au prétexte qu’elle présentait un danger d’écroulement sur la voie publique— les travaux ont repris. Des années mises à profit pour unifier la propriété morcelée au fil des générations ; engagement certes lourd d’exigences mais déterminant pour élaborer un programme aussi ambitieux que cohérent en faveur de la réhabilitation de l’édifice. Avec, pour corollaire, la publication d’une monographie dont la rédaction en cours explique notre souci d’éviter que ne soient prises des photographies à l’intérieur de l’enceinte (cour, jardins, salles) afin de ménager ce projet qui nous tient à cœur de révéler au public cette maison qui nous oblige.

2019 fera date dans l’histoire de cette relation : saluant ces efforts continus depuis plusieurs générations, la maison fut désignée comme premier lauréat tarnais du “maillage“ de la Mission du Patrimoine-Bern. Avec le concours de la Caisse régionale des Monuments Historiques et du mécénat au travers d’une convention avec la Fondation du patrimoine, l’édifice fait l’objet d’une importante campagne de travaux dont la phase actuelle concerne les toitures, la restitution de la grande “Salle“ et l’aménagement de parties annexes tels la porterie et le premier étage de l’escalier à “vis“.

Une nouvelle aventure pour un des joyaux de la Renaissance française en Occitanie.

Depuis si longtemps…

Le nom du lieu révèle l’origine du château : édifié sur un col entre deux vallées, il domine au nord le site d’anciennes mines de fer (peut-être exploitées dans l’Antiquité ancienne, certainement dès le haut Moyen Âge) ; au sud les “moulines ferrières“ destinées à extraire de la roche le minerai à l’aide de puissants marteaux. Une configuration caractéristique des exploitations minières médiévales sur lesquelles nombre de familles seigneuriales bâtirent leur puissance, manifestée fréquemment par une grosse tour de garde édifiée sur un rocher inexpugnable (telles les tours de Roquefort dans la Montagne Noire, La Roque sur le Dadou ou encore La Bastide-Vassals sur un affluent du Tarn).
À Ferrières, une tour identique de plan quadrangulaire fut progressivement enserrée dans des fortifications adaptées aux progrès de l’artillerie : au début du XVIe, deux tours rondes fermaient un corps de bâtiments oblong, percé de croisées de style gothique et flanqué d’une tour d’escalier.

Paradoxalement durant ce même siècle, l’effervescence politique et guerrière (Guerres d’Italie, conflit entre François 1er et Charles Quint, puis “Guerres de religion“ particulièrement atroces pendant plus de trente années) favorisa un foisonnement sans pareil d’initiatives en matière d’art et de littérature. À la suite des Grandes Découvertes, la Renaissance installe de nouvelles destinées aux pays du Vieux Continent grâce, notamment, au développement de l’imprimerie, aux échanges commerciaux en Europe et aux incursions dans d’autres contrées du Monde.

Ferrières surgit alors dans cette montagne pour le plaisir d’un homme d’art, fin diplomate : sa demeure se présente en plein cœur des guerres civiles comme l’aboutissement des connaissances de son époque en matière d’architecture et de décors sculptés et peints.

Protégé par des remparts et six tours massives, le château ménage une grande cour intérieure et des jardins en terrasse. Le charme de cette “maison aux champs” s’inspire du grand Serlio et sa décoration révèle la philosophie des humanistes soucieux de paix et de tolérance.

Toutefois, au XVIIe siècle, l’appétit des pouvoirs en eut raison. Après la Révocation de l’Edit de Nantes, Ferrières fut vendu aux États du Languedoc pour être transformé en caserne de dragons puis en Prison d’Etat : une succursale de la Bastille au redoutable inconfort, ce dont témoignent les graffitis des prisonniers et de leurs geôliers. Cependant, cette fonction permit aussi que l’édifice soit entretenu : le génie militaire (corps des “ingénieurs des fortifications“) veilla à la bonne conservation des bâtiments jusqu’à leur vente par lots après la Révolution.

Une continuité d’attentions plus ou moins efficace mais qui eut pour avantage de nous transmettre dans une rare authenticité un joyau de la Renaissance française.

Un tel constat ne pouvait qu’éveiller, au XXe siècle, le désir d’en restituer l’harmonie : par passion et depuis quatre générations, ses propriétaires se consacrent à la réhabilitation de ce patrimoine sis dans des montagnes chenues pourtant peu enclines à saluer leurs efforts. En y créant le Musée du protestantisme —installé depuis à peu de distance du château—, ils affirmaient la vocation de cet édifice, notamment au travers de rencontres et de publications : un site où s’expriment l’histoire et l’âme des Pays d’Oc dans un écrin de Nature sauvage et luxuriante.

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ACCUEIL, ANIMATION

À 45 km d’Albi et à 20 km de Castres, le château de Ferrières domine les gorges de l’Agoût, en bordure du massif granitique du Sidobre, site majeur du Parc naturel régional du Haut-Languedoc.

La visite du château (sur demande durant la saison estivale / contact@chateaudeferrieres.eu), reste tributaire des phases successives du chantier de restauration.

La “lettre de Poliphile“ (abonnement gratuit sur : www.poliphile.fr) fournit périodiquement des informations sur l’actualité du lieu.

Pour rappel : les photographies sont interdites à l’intérieur de l’enceinte (cour, jardins, salles) afin de ménager la publication prochaine par nos soins d’une monographie du château.

Renseignements :

château de Ferrières (81260 – Fontrieu) / olivier.ferrieres@poliphile.fr

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