À Lebeña, l’if et l’olivier


Sur l’un des chemins de pèlerinage à Liébana, en Cantabrie, bien qu’exigeant le détour est prometteur. La récompense pour le pèlerin qui s’y est aventuré est à la hauteur de son espérance

Sur le flanc de la colline, au pied d’une falaise rocailleuse. Pour l’atteindre la route se fait sinueuse, se rétrécissant en remontant la vallée.

L’if était si vieux et tordu que personne ne se hasardait à dire si l’église Santa María qu’il côtoyait l’avait devancé ou bien s’il en fut la raison d’être. Les chercheurs ne sont d’aucun secours pour étayer l’âge fourni par la dendrochronologie ou les archives d’autant que parler d’art “pré-roman“ fait fuir le passé au refuge des communautés chrétiennes où les chrétiens d’aujourd’hui ne se reconnaitraient certainement pas.

Au fin fond d’une vallée des Picos de Europa, en Cantabrie, Lebeña est un haut lieu toujours vivant. L’église à l’architecture mozarabe admirablement conservée sommeille dans des paysages de rochers et une nature presque méditerranéenne, impression que soulignent les toitures de tuiles. Comme si la Parole en ce lieu se souvenait d’une de ses traversées de la Grande Bleue.

L’église de Lebeña parrainée par l’if multi-centenaire

L’émotion fut grande lorsque, le 19 mars 2007, l’if s’écroula : dans l’esprit des gens alentours, il était plus précieux que les vieilles murailles. Aussi l’Administration s’empressa-t-elle de raviver la présence de l’arbre à partir d’un rejeton. Le sanctuaire orphelin et son ambon fameux attendent depuis que l’ombre revenue à la mi-journée apaise les rayons du soleil.

Une impatience partagée par un autre compagnon : l’olivier que planta aussi, l’an 924, Don Alfonso, comte de Lebeña, pour rappeler ses origines à son épouse doña Justa, nostalgique du sud de l’Espagne. En 1083 ans les deux arbres ne s’étaient jamais quittés.

L’olivier multi-centenaire sur le chemin de Lebeña
Hommage à la générosité des montagnes : l’ouvrage de Victor Guerra

Au-delà du cheminement de pensée de chacun, le Chemin restitue la Fraternité aux pèlerins qui se rencontrent. Ainsi, je reçus l’invitation de Victor Guerra à préfacer son guide si détaillé d’un des plus profonds pèlerinages de la terre ibérique. Profond par son origine aux racines des siècles historiques. Profond par son appel séculaire aux foules de la côte cantabrique et d’ailleurs. Profond enfin par la beauté de ces montagnes des “Picos de Europa“ dont la pureté envahit l’âme de leurs visiteurs, a fortiori voyageurs à pied.

Une joie d’avoir reçu ce livre : ma gratitude renouvelée à son auteur —il me plaît d’y insister— et ma reconnaissance à mes amis qui résident dans ces régions du nord de l’Espagne, m’y ont magnifiquement accueilli et restent si fidèles dans nos échanges malgré les années écoulées. Ainsi, la confiance insigne dont m’honore Victor Guerra me permet-elle de leur rendre, ici par l’écriture, témoignage de l’empreinte que cette terre racée a imprimée irrémédiablement dans mon regard. Saluant par là-même cette image forte d’une convergence des routes si nombreuses conduisant à Liébana, servies en partage au choix du lecteur-voyageur afin de faciliter son cheminement vers les sommets.

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