Un four pour foyer commun


Réapprendre à vivre autrement : quelques pionniers habiles et généreux tracent la voie

Le “théron“, source et lavoir à Espérausses

Illustration de ces temps de replis sur soi évoqués constamment comme caractéristiques des bouleversements que nous ressentons dans notre environnement ? Le monde rural devient la cible de citadins à la recherche de cellules plus restreintes de vie communautaire à partager. Nul doute aussi que le monde rural réapprenne à vivre sous l’influence du monde urbain. S’en dégage une conception de la vie proche de la Nature mêlant deux cultures et en constante évolution.

La réhabilitation du petit patrimoine rural non protégé en est une conséquence évidente. En témoignent des initiatives de plus en plus nombreuses, visant à une réappropriation de ces monuments non plus pour le simple plaisir de bien faire mais pour exprimer un désir de partage pérenne et convivial.

L’une des organisations les plus complètes de la vie en communauté dans les villages est sans nul doute l’usage de l’eau. Obligatoirement collectif, indispensable à la survie, il impose un entretien et une distribution strictement règlementés : que ce soit pour la vie du foyer, l’irrigation, le bétail, ou encore les industrieux ateliers fonctionnant grâce à l’énergie hydraulique tels que moulins et forges. Lavoirs, abreuvoirs, pesquièrs (bassins de rétention d’eau utilisés souvent comme viviers) réunissent les habitants pour des actions partagées et assurent donc un rôle non négligeable de lieu de convivialité : la preuve en est que, par force bien entretenus, ils sont aussi généralement fleuris avec soin.

Il est un autre service au bénéfice des communautés dont l’argument ajoute à ces qualités l’exigence d’une contribution de chaque usager au prorata de son utilisation : l’apport de la source d’énergie —le combustible— dont dépend le fonctionnement d’un four commun aux habitants.

“Au même feu…“

En cela, la réhabilitation particulièrement réussie du four de Sénégats par les habitants du hameau est exemplaire. Four banal : statut qui équivaut à la notion de patus soit un bien collectif, indivis entre les habitants du lieu qui en sont les gestionnaires. Il fallut d’ailleurs rechercher le droit de cette configuration héritée de l’Ancien Régime et qui n’est plus appliquée généralement en France que pour la gestion de forêts. Le dossier reçut l’approbation de la totalité des feux du hameau ce qui décida leurs membres d’œuvrer chacun avec ses compétences et possibilités à la restauration du four puis à la reconstitution de l’appentis qui le précède dont certains exemples subsistent tels à Gijounet et Murat.

Le four de Gijounet (photographie Michel Sergent)
Appentis du four du Cloutet, à Murat-s/vèbre (photographie Olivier Razimbaud)

Une exceptionnelle réhabilitation qui a déclenché le souhait d’utiliser le four : pour cela la “sole“ en sera restaurée à son tour. Une finition attendue, financée par un rassemblement festif et culinaire très réussi où tous les habitants du hameau invitèrent amis et connaissances dans la prairie du bord de l’eau, au pied du château de Lacaze, grâce à un judicieux partenariat proposé à l’association La Pourtanelle, porteuse du projet, par la Mairie du lieu déjà très engagée dans l’action culturelle et la mise en valeur de cette partie de la vallée du Gijou.

En ces temps de réapprentissage qu’imposent nos brutalités envers la Nature, certains retours de savoir-vivre ressurgissent avec discrétion. Un ancien, au hameau de Les Nières (commune de St-Gervais-s/Mare – Hérault) m’avait dit : « il fut un temps pour vider la Montagne… il faut un temps pour la remplir » : en serait-il de même pour restituer les petits monuments scellant la convivialité des habitants ?

Le four banal de Sénégats : état en 2020 (photographie asso. La Pourtanelle)
Le four de Sénégats : état en 2021 (photographie asso. La Pourtanelle)

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