Une leçon de bien faire, il y a 150 ans


Les grands travaux conduits à partir des années 1880 – 1890 ont décidé de la physionomie actuelle du château.

Une œuvre remarquable, de nos jours oubliée sinon occultée. Une réalisation due à des artisans locaux sous la houlette de mon arrière-grand-père. Des “gens“ qualifiés aujourd’hui de “simples“, sauf que ce regard condescendant leur vaut hommage… si nous considérons ce que sont devenus nos modes de réflexion !

la tour de la poudrière : à gauche, à la fin du XIXè siècle ; à droite, son état actuel

Sans drones ni logiciels, nos prédécesseurs ne disposaient pas de projection en 3D. Dépourvus de bibliothèque d’érudition, il leur était impossible d’approfondir savoirs livresques ou “wiki-pédantesques“. Enfin, l’absence à leurs côtés d’un architecte ou de tout autre référent accuse encore plus leur prouesse. Bénéficiant aujourd’hui de tels accompagnements, nous n’en sommes pas moins circonspect sur notre capacité à maintenir cet héritage, à surmonter les difficultés que ces nouveaux moyens à notre disposition ne manquent pas d’ajouter aux exigences déjà proposées par l’état du monument.

Ainsi, poursuivre l’œuvre de restauration entreprise voici un siècle et demi est plus qu’un challenge.

Le danger de l’image que nous nous faisons du patrimoine

Le romantisme des restaurateurs du XIXè siècle a beau jeu d’être pointé du doigt par leurs successeurs actuels. La qualification de “style troubadour“ fait long feu aujourd’hui : pourtant la préservation et la mise en valeur des monuments et espaces répondent trop fréquemment encore à des critères de mode soumis aux dictats de l’image et de la communication.

La maison dite “de Jeanne“ à Sèverac le Château (Aveyron) avant… après…
Respecter l’authenticité du lieu

D’autre part, pour répondre aux questions d’ordre général —fondamentales donc—ou pour décider du moindre détail, il convient d’inscrire notre action dans la continuité de l’ouvrage tel qu’il nous est échu, d’accepter ainsi l’apprentissage de l’humilité. Le silence vaut mieux que de beaux discours savants ; le bon sens (en occitan : “lo biaìs“) plutôt que des conclusions programmées par les ordinateurs.

Car seul l’édifice commande. Avec l’expérience, rester à son écoute plutôt que se laisser séduire par nos déductions intellectuelles devient la ligne à tenir.

Le partage des connaissances

Alors, si d’aucuns souhaiteraient interpréter le site de Ferrières après l’avoir visionné sur un écran ou visité durant quelques heures, qu’ils soient ramenés à la raison pour éviter de sombrer dans les dorures d’un discours dont la portée ne sera qu’éphémère.

Accepter le partage des connaissances est certainement plus digne. Les monuments historiques ne sont pas des jouets à la mesure d’un évènement ou d’une carrière, fut-elle réussie. Ils sont les témoins du patrimoine : non seulement patrimoine de l’Humanité… mais patrimoine vivant ! Et cela vaut autant pour nous —gardiens avant d’en être mainteneurs— que pour ceux dont la compétence nous accompagne et les nombreux amateurs éclairés qui croisent notre chemin.

Un savoir-faire et “savoir faire bien“, rappelé très justement dans les dispositions établies par l’État en faveur de la sauvegarde et l’entretien des monuments protégés. Une contrainte salvatrice : entre les acteurs quels qu’ils soient, appelés à mettre en commun leurs compétences au travers de leur fonction ou de leur expérience, le travail en parfaite intelligence s’impose.

La cour de Ferrières en 1900 : la façade principale fut alors crépie dans un style aujourd’hui à nouveau privilégié au détriment du traitement original. Ce dernier subsiste encore à Ferrières : nous le dégageons progressivement de cette gangue malencontreuse. Au XVIè siècle, l’enduit venait mourir “à fleur” des pierres d’encadrement. En revanche, privilégiant cet aspect de “panneaux de plaque-de-platre”, les restaurateurs et architectes actuels répondent à la tendance d’image “clean” souhaitée par les moyens de communication et les medias. Un aspect très fâcheux, tellement éloigné de l’esprit subtil et léger de la Renaissance française. Comment ignorer à ce point l’extrême délicatesse des poèmes de Marot et Ronsard en revêtant d’un habillage aussi strict l’architecture qui était destinée à les louer !
la cour de Ferrières – état actuel de la façade principale qui a retrouvé dans les années 1980 ses huit croisées et attend depuis, patiemment, le dégagement de l’espace qui les accompagne.

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