Un blog : “Lo Biaís“, soit l’intelligence héritée d’une sagesse ancestrale


Aucune traduction en français de ce terme occitan n’est satisfaisante. Sa signification évoque tout à la fois l’habileté, l’inventivité et le savoir-faire suscités par le désir de vivre mieux.

Le propre de toute langue étant d’exprimer la pensée, il suffit de prononcer le mot “biaís“ pour comprendre sa signification : d’une syllabe il impose tout un discours, l’observation sous un angle de vue inhabituel, la maîtrise du sujet qu’il désigne pour, enfin, souligner l’ingéniosité de l’acte qui en procède.

Lo Biaís del país est le titre d’un blog présentant ce qui constitue la réalité de la vie dans les Monts de Lacaune. Des témoignages sur le savoir-faire accumulé par d’innombrables générations, adapté à l’évolution des techniques et nouveaux moyens de communications, cultivé avec une telle ingéniosité que cela a permis l’émergence de femmes et d’hommes déterminés et entreprenants.

Par surcroît, ce blog relève d’un ensemble d’initiatives dont il sert de vecteur pour leur diffusion en ligne tandis que les visiteurs de ces terroirs comme leurs habitants peuvent retrouver ces mêmes axes de réflexion dans trois sites aménagés à leur intention.

Le Musée de la Vie paysanne en Haut-Languedoc (photo Centre de Recherches)
La ferme de Rieu-Montagné

Sur les rives du lac du Laouzas, la ferme de Rieu-Montagné abrite le Musée de la Vie paysanne en Haut-Languedoc : une présentation de l’artisanat, des activités agricoles et des traditions socio-culturelles de ces montagnes. Lui est adjoint un Centre de recherches très actif dont les publications forment un fond inestimable par l’ampleur des sujets étudiés.

La Maison de Payrac

À un jet de pierre, la Maison de Payrac domine un grand pré à la lisière du bois. Pour l’atteindre, il faut quitter les rives du lac et rejoindre ce que l’on appelait autrefois un “crouzet“, promontoire ou repos de la montagne à mi-chemin entre le sommet et la vallée. Aussitôt, la lande s’efface au profit d’un enclos : la porte est ouverte et le cheminement libre, à pied.

Il suffit alors de s’aventurer à sa guise dans les sentiers jalonnés de panonceaux signalant une curiosité de la Nature ou bien un dispositif répondant à une activité agraire, pastorale ou simplement familiale, s’attarder près de la grange, la source aménagée, la glacière, le poulailler. Le visiteur peut jouir de son temps sans contrainte tout en s’instruisant sur la vie quotidienne d’une famille d’agriculteur ou d’artisan et sa subsistance à cette altitude… Visite offerte à toutes les générations y compris sous forme ludique pour les enfants.

Un bijou de réalisation entre la notion de conservatoire et celle d’écomusée, aboutissement exemplaire de ce que je rapportais déjà ici des Maisons de Parc régionaux (paragraphe intitulé : “Culture, tourisme et aménagement fin du territoire : initiatives d’un autre temps“). La Maison de Payrac allie ces deux objectifs pleins de promesses : Musée de plein-air et parc de loisirs.

Le Conservatoire de Tastavy

En s’éloignant encore un peu plus des circuits touristiques, il faut visiter le Conservatoire de Tastavy, installé dans un ancien presbytère suffisamment spacieux pour y conserver l’éventail considérable des objets évoquant la pratique religieuse catholique dans ces derniers siècles. Souvent empreinte de poésie, la présentation met en lumière l’ordonnance du calendrier liturgique, succession de repères architecturant la vie quotidienne des populations. De cette visite se dégage le reflet d’une généreuse et paisible confiance en un “foyer“ que peut réserver la pratique religieuse, espace intime où se blottit la conviction de chacun.

Un “palhièr“ à Payrac
Trois œuvres n’en font qu’une

Ces trois lieux ont la particularité d’être entretenus, enrichis, présentés au public par les habitants de ces terroirs et leurs amis. Des activités incessantes motivées par une recherche soutenue, la réalisation de nouvelles initiatives, la main tendue aux nouveaux venus et l’application de leurs compétences : une manière de charte d’engagement tacite sous-tend l’adhésion au rayonnement de ces vitrines de l’art de vivre dans les montagnes du Haut-Languedoc.

Non pas des musées d’art et de traditions populaires, mais des “creusets“ culturels dont la définition englobe l’actualité des conditions de la vie rurale au travers d’une sélection de savoirs ancestraux. Un portrait qui découle de la relation imposée aux hommes par la géographie (et donc la Nature et l’histoire) dans ces contrées qui exigent acuité et endurance.

Un messager : “Lo Biaís“

Le blog Lo Biaís del país (in La gazette des amoureux des Monts de Lacaune) complète cet ensemble : il bat la mesure du temps. Au sommaire des éditions : les évolutions liées aux progrès des techniques et des communications, la vie des communes, la préservation des patrimoines historique et naturel. En particulier, des exemples de réussites marquantes d’enfants du pays qui ont su déployer leurs initiatives en puisant énergie et mérites dans cet art du biaís : quel que soit le niveau atteint ou l’activité qui en est le motif, les témoignages expriment tous l’ingéniosité et le désir de réussite chez des acteurs parfois éminents de notre société aux plans de l’industrie, du commerce, de l’enseignement… tous liés aux Monts de Lacaune et leurs environs par leur origine ou leur entreprise.

Robert Pistre (photo La Dépêche)
Une œuvre pleine de gratitude

Des interviewes qui suggèrent probablement par effet de miroir la motivation profonde de leur auteur. La reconnaissance de Robert Pistre envers sa terre natale et les “anciens“ : ceux qui ont façonné le caractère des habitants de ce pays, la persistance d’une sagesse, le désir de dignité. Aucune nostalgie dans ce rappel sinon l’affirmation paisible et salutaire que ce socle cultivé par des communautés persévérantes durant des générations assure un sens du bien vivre, équilibré, servi par la curiosité et l’aspiration au mieux faire : l’apprentissage constant et par petites touches de l’art du “Biaís“.

Un partage offert en exemple, une œuvre servie en hommage à la terre nourricière : une fierté recouvrée pour ses habitants. À Nages, le passage de témoin est inhérent à l’art de vivre. Robert Pistre en porte témoignage.

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