Il est dit Primitivo pour avoir été à l’origine de l’accès à Santiago. En ces temps de promotion touristique, s’y préserve la démarche que Compostelle sous-tend. Quelques uns, discrets, y ont réservé leurs convictions et l’amour de cette côte cantabrique.
Son attention au Chemin de l’intérieur était probablement un refuge après une vie mouvementée, placée sous l’égide de Jacques le Majeur, tantôt guide bienfaisant, tantôt guerrier intrépide, toujours garant du bienfondé de ses convictions. Ses arguments visant à préserver l’authenticité du Chemin de Lugo étaient soutenus par ses longues mains qui invitaient à l’écoute.
Nous nous rencontrions périodiquement alors que le tracé du moderne Camino Primitivo se précisait entre Asturies et Galice. J’étais étroitement associé à cette aventure —le regard nourri par l’ouverture qu’en fit l’ami Philippe Lemonnier au titre de premier pèlerin français à l’emprunter— et participais fidèlement aux assemblées et colloques qu’organisaient les passionnés du Camino dans ces régions. D’autant que l’équilibre était difficile à trouver entre les tenants du Camino intérieur, fidèles à la route suivie par Alfonso II el Casto pour rejoindre Compostela, et les partisans d’une route côtière atteignant Mondoñedo et la célèbre cathédrale San Martín.
Ainsi je garde un souvenir singulier de Vilalba où se déroulèrent trois journées d’échanges. La tour imposante de granit qui domine le centre de la ville eut la bonne idée de nous servir de repère alors que, dans la nuit sans lune et très fraîche, le Colonel Miláns del Bosch avait décidé que nous prendrions un dernier verre avant mon départ annoncé pour le lendemain matin.
C’est là seulement que je découvrais son parcours de militaire aguerri que je n’avais pas su distinguer derrière sa démarche hésitante.
Une leçon que je retiens souvent de mes séjours dans l’Espagne profonde : ce respect à l’humain quels qu’aient été les travers (parfois si graves durant la dictature), sans méconnaître l’opinion des uns et des autres mais en ne s’autorisant pas aujourd’hui à en faire un argument dans les échanges.
Ainsi, l’hommage qui lui est rendu en désignant de son nom le gîte du pèlerin à Vegadeo.
Note
Philippe Lemonnier, Le Chemin oublié de Compostelle, Arthaud, 2004. Si cet ouvrage n’a pas connu à ce jour de traduction en langue espagnole, en revanche, son titre inspira la désignation du Camino Primitivo intérieur à l’occasion de sa promotion au titre des Itinéraires Culturels Européens.
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